Wednesday, September 21, 2005

Mr le Président, votre peuple souffre


Il semble inutile de revenir sur l’année 2000. L’alternance avait marqué un tournant dans l’histoire politique et sociale du Sénégal. D’abord l’acceptation de ce scrutin par le président sortant Mr Diouf était une première source de fierté. En vrai gentleman, il a remis le pouvoir en toute simplicité, pendant que d’autres auraient cherché à user d’armes et de violence pour se maintenir "a tout prix".
Un vent d’espoirs a soufflé dans le pays. Les jeunes particulièrement voyaient en ce nouveau président, vous, l’homme qui allait mettre fin au chômage endémique et à d’autres maux encore…
Il est vrai qu’on ne peut pas en 5 années redresser totalement un pays, il est vrai que l’exercice du pouvoir est beaucoup plus difficile qu’on ne le croit lorsque l’on est opposant mais, Mr le Président, votre peuple souffre.
Les dernières inondations ont plongé les populations dakaroises dans un immense désarroi. Des centaines de familles ont du quitter leur anciens lieux d’habitation pour chercher des gîtes là ou c’est possible, des enfants ont quitté leur cadre de vie avec les conséquences psychologiques que cela peut créer. La nuit tombante, ce sont les petites filles et les jeunes adolescentes qui sont exposées à toutes sortes d’agresseurs sexuels…
A Malika ou à Grand Yoff, les populations se plaignent de n’avoir rien encore reçu des autorités, même au CICES classé site le plus pourvu en aide, l’espace manque et les repas n’arrivent pas toujours pour tous. Ceci sans compter qu’avec la rentrée prochaine, toutes les diverses salles de classe qui servent de "camps" devront être libérées.
Tout cela pour dire que l’Etat n’a pas les moyens de venir en aide à tous ! Quoi de plus normal ? Le monde a été choqué de voir les méfaits du Katrina sur les populations black particulièrement aux USA, une Amérique désemparée qui demande de l’aide au monde et qui à force d’ajustement budgétaire mettra 50 milliards de dollars pour secourir ses sinistrés et reconstruire. Cet importante masse d’argent est jugé d’avance…insuffisante. Si la première puissance du monde a du mal à faire face à ses sinistrés, images qui ont révélé des américains presque laissés à eux-même entrain de chercher désespéramment à manger et à boire dans les décombres… On est tenté de se demander comment un aussi faible Etat que le nôtre va y arriver ?
Ce qui a été saisissant par contre, c’est le grand élan de solidarité dont on fait montre les populations américaines qui ont mobilisé sacs de couchages, habits, aliments dont ce qui était à leur portée pour dire "voici notre contribution".
Ici, Thierno Mountaga Tall, guide religieux engagé a appelé à la solidarité nationale. Toutes les bonnes volontés doivent être mises à contribution pour combattre l’insalubrité, offrir des moustiquaires imprégnées, distribuer des détergents et autres car figurez vous que le choléra et la paludisme, devenus endémiques au Sénégal font ravage au sein des populations. Ceci engage la responsabilité de tout citoyen.
Actuellement à Dakar, il y a plus de 400 cas de choléra dont deux morts, tandis que les malades du paludisme se comptent par centaines pour ne pas dire milliers.
Lorsque vous allez dans les hôpitaux et autres centres de santé, ils refusent du monde, les gens sont couchés par terre invoquant tous les dieux pour soulager leurs souffrances physiques et morales. La question du coût des soins est importante car ils sont loin d’être gratuits. Les tickets valent 500F Cfa et 1500F Cfa sans compter les ordonnances (qu’il faut payer en cherchant "le plus urgent"), et ne sont pas à la portée de la majorité des gens qui souvent se débrouillent comme ils peuvent. La survivance est devenue le maître-mot.
Une fois dehors, c’est le calvaire des cars qui ont littéralement doublé leurs tarifs quant aux taxis ils sont actuellement hors de portée.
L’environnement est tout aussi préoccupant car en plus des eaux stagnantes, nids du plasmodium, les poubelles disputent la rue aux piétons, le tout entassé devant les maisons à la portée des enfants et du vent qui transporte encore on ne sait quel germe !
Monsieur le Président, votre peuple souffre.
Dès lors, les violences intra partis, les luttes fratricides, les guerres des médias et autres ne font qu’augmenter l’inquiétude de ces braves gens qui se demandent si les autorités sont sensibles à leurs souffrances.
Et pourtant vous êtes loin d’être insensible encore moins aveugle. N’acceptez plus le rôle du roi coupé de ses réalités qui n’a aucune idée des tracas de son peuple, voilé qu’il est par une cour de courtisans prête à tout pour le distraire. Au contraire, continuez à faire vos visites discrètes et anonymes pour "tâter" le terrain, palper les réalités et nous proposer des solutions humaines.
Ce peuple qui vous a élu, qui souffre de tant de misère, d’inondations, de maladies contagieuses mérite que ayez la tête immergée hors de l’eau pour l’écouter, venir à son chevet et surtout le soulager…

Aminata NDIAYE
Sociologue
sigapal@hotmail.com